Aux marges de la société, sorcières, criminelles, femmes hystériques : des femmes déviantes ?
Table ronde Femmes criminelles animée par Karine Lambert, avec Geniève Morel, Sylvie Orsoni et Frédéric Chauvaud, et organisée par les Archives départementales des Bouches-du-Rhône.
Le programme de la journée est disponible ici

- Les femmes criminelles sont tour à tour vu comme des monstres ou des victimes de la société. Quels sont les mécanismes qui ont amené à ces stérotypes ?
S.Orsoni a travaillé sur les avorteuses et les avortés pendant l’entre-deux guerres. Ces femmes font parti d’une sorte de banalité de la société. Les avorteuses sont porteuses d’un savoir utile à la société, bien que commettant un crime comme la société et la nature.
Pour F.Chauvaud l’intérêt des hommes se portent sur les cas extraordinaires, et non sur la délinquance du quotidien. Il y a aussi une recherche de sensasionnalisme cherché par les chroniqueurs judiciaires pour multiplier les ventes et les abonnés.
G.Morel a travaillé comme psychanalyste au sein d’unité spéciale d’accueil de criminelles. Cette expérience a donné lieu a un livre, qu’elle a croisé avec les images véhiculées dans les films. La société a l’images de la femme fatale versus la mère dénaturée. Dans le cinéma, elle cite particulièrement l’oeuvre de Chabrol qui a réalisé six films sur des femmes tueuses.
- Les femmes incarcérées représentent environ 3 % de la population carcérale. Est-ce une réalité des actes ou un traitement différencié de la police et de la justice ?
FC : Jusqu’au milieu du XIXe il y a une minimisation par la puissance publique des arrestations de femmes, malgré leur présence dans des procès-verbaux d’actes délictueux. C’est aussi le cas dans les révoltes frumentaires, alors que celles-ci sont très présentes dans les manisfestations. La sous-réprésentation en prison dans les périodes récentes sont une question pertinente mais à laquelle nous n’avons pas de réponses staisfaisantes.
GM : les femmes tuent six fois moins que les hommes. Il y a eu une croyance chez Durkheim ou des féministes qu’en allant vers une plus grande égalité, l’écart de criminalité s’équilibrerai entre hommes et femmes ce qui n’est pas le cas.
Les types de crimes, comme les moyens utilisés sont très variés. Pour autant, les armes utilisées sont plutôt celles du quotidien, comme le couteau. Il en est de même pour les mobiles même si les crimes dits faussements “passionnels” font les grands titres dans les journaux. Durant l’Ancien régime le principal crime est l’infanticide, alors qu’en fait il y a autant d’actes d’hommes que de femmes. Il ne semble pas y avoir d’éléments genrés en termes de crimes.
- Les femmes, et surtout les mères, ont-elles un traitement particulier de la justice ?
Pendant longtemps les jugements en Cours d’assise se jouent beaucoup sur l’apparence. Donc une femme va avoir intérêt à se présenter en veuve, en mère, correspondant aux canons sociaux attendus. La distinction est beaucoup marquée par la dimension sociale et d’appartenance de classe.
Pour ce qui concerne l’avortement particulièrement les avorteuses ont peu d’arguments à faire valoir pour avoir une certaine indulgence, notamment dû au fait qu’elles sont payées pour leurs actes. Pour les avortées, celles plaidant la panique, l’affolement face à la situation sont moins condamnées. Dans ces cas aussi il y a de toute évidence une justice de classe, seules celles d’extraction populaire se voient condamnées.
Concernant les infanticides les jugements sont très liés au traitement plus global de la folie, de ce qu’on estime de l’irresponsabilité ou non. Les condamnations sont plus nombreuses sur une période récente, là où n’aboutissait rarement en procès auparavent.
- Les archives conservées sur les femmes criminelles, sont le fait d’hommes. Comment penser ces crimes de femmes avec un justice d’hommes ?
A partir des années on voit tout de même apparaître des avocates bien que celles-ci sont méprisées de leurs collègues hommes. Effectivement tous les professionnels mobilisés (juges, experts, policiers, greffiers) sont des hommes. Le public a aussi une importance capitale dans le rendu des jugements.
Jusqu’en 1923, les jugements pour avortement se déroulent en assise et sont l’objet pour la plupart d’un non lieu. Ceci car il est complexe de démontrer la matérialité du fait que la femme était enceinte. Ensuite, dans les jugements correctionnels les condamnations se multiplient.
- Est-ce qu’une figure rencontrée dans votre travaux vous ont particulièrement marquée ?
S.Orsoni n’a pas retenu une femme en particulier mais plutôt un profil. Celui de femmes non pas avortées par nécessité économiques mais par volonté de liberté notamment dans leur vie sexuelle.
F.Chauvaud a un sourvenir fort des archives de l’affaire des soeurs Papin et surtout du rapport du greffier aux documents, notamment les phographies du crime qui l’a marqué très fortement. Ce crime est exceptionnel du point de vue du légiste qui n’a pu trouver aucun autre crime ayant fait appel à une énucléation.
G.Morel était apaisée lors des entretiens avec des criminels, car il y a un rapport à la personne qui rend compte de son crime. C’est le passage à l’écrit pour les rapports qui fait apparaître la violence du crime.